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Magic Pop Corn
29 mai 2008

Témoin d'un trésor

Je dois quand même vous expliquer... Non, pas VOUS expliquer, juste m'expliquer. Je me re-guéris avec des mots, ma thérapie de choc.

Le choc est passé. Mais les images, les mains moites et froides, les sons, les odeurs, et le goût salé de cette expérience restent bien présents. Comme une "madeleine de Proust", façon soins palliatifs.

Ce matin là je m'occupais d'une vieille dame, parfois aimable, parfois moins. Un de ses bons jours, tout se passait relativement bien. Quand tout à coup, stupeur, je me suis apperçu que... J'avais oublié un drap (là je voulais donner un ton mélodramatique à la phrase et que tout le monde (enfin, ceux qui passent par là !) croit que c'était un truc affreux. Bref.). Je sors donc de la chambre pour chercher ce fameux drap. Un homme d'une quarantaine d'années s'approche de moi à une vitesse assez impressionante. Il est italien, ptèt pilote de F1. Ses paroles : "Venez voir s'il vous plait". Moi je suis là pour rendre service aux gens, et j'ai un uniforme. Alors j'arrive tout de suite monsieur, la dame attendra pour son drap. Faut dire qu'il n'avait pas l'air tranquille et que sa précipitation était surprenante. J'entre dans la chambre où il m'emmène et je vois son père, entrain de mourir. Ah, c'est donc ça !! Attendez, je vais chercher une infirmière. Non, ça c'est ce qu'on fait quand on ne trouve pas les seringues de 10cc ou qu'on ne sait pas à quelle heure est prévue l'opération. Je m'approche du patient et lui tient la main aussi fort que je peux. Ca c'est la main froide. La main plus chaude et plus moite, c'est celle du fils, que je tiendrai de longues (d'interminables) minutes dans quelques instants... Il est mort ? Oui, je crois que vous pouvez lui dire au revoir... Cet homme de 40 ans fond en larmes, caresse, serre dans ses bras son père qui a ce moment précis, inspire pour la dernière fois.

Je sais parfaitement quoi dire et quoi faire. Je crois qu'il attendait que vous soyez auprès de lui pour partir (apparement il m'attendait aussi !!). Il est mieux là où il est.

Comme un jeune enfant à qui on aurait volé ce qu'il avait de plus précieux, l'homme pleure de toutes ses forces. Mais ça ne lui rendra pas son trésor. Il en garde quand même une partie, la partie cachée mais probablement la plus puissante : l'amour. Une infirmière entre, je lui fait un signe qui lui fait comprendre la situation, elle reste debout à côté du lit et prend, à son tour, la main du défunt. Rien, aucun geste, aucune parole ne peut réconforter cette perte. Juste une présence. La présence c'était moi. En sortant de la chambre, laissant le père et le fils dans une union parfaite, j'ai comprit ce que je venais de vivre. Je crois maintenant les théories scientifiques qui parlent de l'adrénaline qui nous fait agir si bien dans le feu de l'action...

Je me suis enfermée, et j'ai pleuré. Ce 21 mai 2008 à 8h12, j'ai été témoin du trésor extraordinnaire que représente un père pour son enfant...

Le plus fort c'est mon père, Lynda Lemay

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